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Les sables de la mer de John Cowper Powys : une visite
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Nous ne devrions pas laisser s'écouler une seule heure de
la journée sans nous remémorer cette solitude, et sans nous
répéter la formule magique : "Jouis — défie — oublie."
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LA FENETRE OUVERTE
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Très tard, cette nuit-là, longtemps après que la vieille
Martha eut emporté son plateau, Magnus resta les regards
fixés sur l'obscurité qu'encadrait sa fenêtre ouverte.(...)
Et pendant qu'il se déshabillait l'odeur d'algues sèches,
si bien connue de lui, ne cessait d'entrer dans la chambre
et un Sea-Sands étrange, spectral, une ville mystique faite
de tristesse solennelle se rassemblait autour de lui, bâtie
en odeurs d'algues sèches, embruns éparpillés et rafales de
pluie.(...)
Puis une force en lui se ramassa, comme toujours
en des cas pareils, pour résister à ce sentiment
d'impuissance et, comme il se sentait surnaturellement
lucide cette nuit-là, il entreprit, une fois de plus, de
s'analyser assez à fond pour dégager la nature précise de
ce pouvoir intérieur auquel, semblait-il, il pouvait
toujours recourir en cas de besoin.
Mais il ne devait pas lui être plus possible d'en
déterminer la nature exacte, ni même de décider s'il
s'agissait d'une disposition d'esprit bonne ou mauvaise,
qu'il ne le lui avait été, sur ce banc, là-bas, en plein
vent. Quelle qu'elle fût c'était nettement, en tout cas,
une aptitude qu'il tenait de son père, qui avait quelque
chose à voir avec le don de se saisir d'une particularité
dominante ou poétique présentée par le monde extérieur en
l'instant présent — tels le souffle du vent de mer
pénétrant dans cette chambre, la lueur mourante des
charbons, le gonflement des rideaux rouges — et d'en tirer
un enchantement simple, plein de fraîcheur, enfantin, un
plaisir qui réduisait le mystère de la vie à son expression
la plus primitive, qui avait le pouvoir étrange de
repousser, de tenir à distance toutes les peines du coeur
et tous les tourments de l'esprit.
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